Vous revenez progressivement à vous,le visage maculé de substance sucré. Et vous voyez… vous voyez… mais oui, une constellation de visages soucieux, souriant, amicaux ; toute l’équipe des loutres de la mosson de Grabels, de Chicagre, les bibliophiles avertis, la famille de Lorène, les copaines de Martin, les sudistes et les parisiennes, les voisines, les partenaires de tilleul-menthe et les camarades de Radio Campus, et même les frères Bouët qui vous toisent d’un air compatissant, vous êtes dans une sorte de kaléidoscope d’amitié, et l’on vous tend qui un café, qui un yogi tea, qui un verre de vin, qui un bout de pain au petit épeautre, qui shot de rhum-vodka-caramel, vous vous dîtes que vous pourriez ouvrir un café associatif avec tout ça, là, maintenant, on vous demande si ça va, vous murmurez « oui oui, je crois que » et vous n’avez pas le temps de finir, vous entendez que l’on chuchote autour de vous « la pauvre, c’est vrai qu’elle est vegan, ça doit être tout ce fromage et ces oeufs de ce midi », vous aimeriez dire que pas du tout, vous ne l’êtes pas, vegan, mais vous entendez une pointe d’admiration dans cette voix, et vous n’osez pas la contredire, de toute façon vous n’êtes pas très douée pour contredire les gens, et puis l’on vous apporte du speculos maison « vegan ! » précise la voix, pour vous remettre de vos émotions en vous précisant que c’est très bon avec le café. Vous reprenez du speculos et ainsi assise avec Zoé qui vous ressert du café, l’un des Clément qui vous fait un massage des cervicales, vous recevez de la part de Lorène et Martin un énorme, un gigantesque sourire accompagnant un non moins gigantesque câlin. Iels vous disent : « Bon, bah on est vachement heureuses que tu ailles mieux, mais on doit retourner à la fête, d’accord ? ». Vous les regardez s’éloigner, belles comme jamais, vers leurs amitiés innombrables, cette nuées d’autres beautés au sein de laquelle bientôt iels se fondent, formant comme une gigantesque masse rayonnante de voix et de rires et de présences fertiles en d’autres fêtes d’amour et promesses d’enfantements, qu’ils soient à deux ou à plusieurs, de personnes ou de projets ; de papiers ou de bien de chair. Et, votre speculos à la main, vos cervicales amollies, vous sentez gonfler en vous la joie d’en faire partie.

Contexte